14 novembre 2006

" vous avez de l'accent?"

Qui a dit que j'avais de l'accent? pour nous, gens du Midi, nous disons de quelqu'un qu'il "parle pointu" quand il a l'accent de Paris.. Enfin, quand il a l'accent du nord, c'est à dire pour nous, qu'il habite au dessus de Montélimar.. et c'est même déjà le grand Nord! Mais oui... !
Lisez donc les textes qui suivent.. dont un d'Alphonse Daudet, extrait de "Tartarin dans les Alpes" le deuxième volume peu connu de"Tartarin de Tarascon" .

Vous viendrez après cette lecture me demander si j'ai encore de l'accent!


L'ACCENT


Emporter de chez soi les accents familiers,
C'est emporter un peu de terre à ses souliers !
Emporter son accent d'Auvergne ou de Bretagne,
C'est emporter un peu sa lande ou sa montagne !
Lorsque, loin du pays, le cœur gros, on s'enfuit,
L'accent ? Mais c'est un peu le pays qui vous suit !
C'est un peu, cet accent, invisible bagage,
Le parler de chez soi qu'on emporte en voyage !
C'est, pour les malheureux à l'exil obligés,
Le patois qui déteint sur les mots étrangers !
Avoir l'accent, enfin, c'est chaque fois qu'on cause,
Parler de son pays en parlant d'autre chose !...
Non je ne rougis pas de mon fidèle accent !
Je veux qu'il soit sonore, et clair, retentissant
Et m'en aller tout droit, l'humeur toujours pareille,
En portant mon accent fièrement sur l'oreille !
Mon accent ! Il faudrait l'écouter à genoux !
Il nous fait emporter la Provence avec nous,
Et fait chanter sa voix dans tous les bavardages
Comme chante la mer au fond des coquillages
Ecoutez ! En parlant je plante le décor
Du torride Midi dans les brumes du Nord !
Mon accent porte en soi d'adorables mélanges
D'effluves d'orangers et de parfums d'oranges;
Il évoque à la fois les feuillages bleus gris
De nos chers oliviers aux vieux troncs rabougris,
Et le petit village où des treilles splendides
Eclaboussent de bleu les blancheurs des bastides !
Cet accent-là, mistral, cigale et tambourin,
A toutes mes chansons donne un même refrain,
Et quand vous l'entendez chanter dans ma parole
Tous les mots que je dis dansent la farandole !
(M.Zamacoïs, La fleur merveilleuse, acte II sc.V Fasquelle, Ed.)


Et voici ce qu'en dit Alphonse Daudet:

Ecoutez bien ceci. Il est temps de s'entendre une fois pour toutes sur cette réputation de menteur que les gens du Nord ont faite aux Méridionaux. Il n'y a pas de menteurs dans le Midi, pas plus à Marseille qu'à Nîmes, qu'à Toulouse, qu'à Tarascon. L'homme du Midi ne ment pas, il se trompe. Il ne dit pas toujours la vérité, mais il croit la dire... Son mensonge à lui, ce n'est pas du mensonge, c'est une espèce de mirage... Oui, du mirage ! ... Et pour bien me faire comprendre, allez-vous en dans le Midi, et vous verrez. Vous verrez ce diable de pays où le soleil transfigure tout, et fait tout plus grand que nature. Vous verrez ces petites collines de Provence pas plus hautes que la butte Montmartre et qui vous paraîtront gigantesques, vous verrez la Maison carrée de Nîmes,- un petit bijou d'étagère, - qui vous semblera aussi grande que Notre-Dame. Vous verrez... Ah ! le seul menteur du Midi, s'il y en a un, c'est le soleil... Tout ce qu'il touche, il l'exagère !... Qu'est-ce que c'était Sparte au temps de sa splendeur ? Une bourgade... Qu'est-ce que c'était qu'Athènes ? Tout au plus une sous-préfecture... et pourtant dans l'histoire elles nous paraissent comme des villes énormes. Voilà ce que le soleil en a fait...
Alphonse Daudet
Tartarin de Tarascon

Quand à parler pointu.. voici un article paru dans le journal local il y a quelques années. La traduction suit.. et je reprendrai ce thème sur une autre page...!
Parler "pointu"

Un vendredi de juin, j'aperçois dans la grand-Rue de Saint Hippolyte de Montaigut, un jeune snob.
"B'Jour Monsieur !"
Je m'arrête un instant pour regarder des pieds à la tête, cherchant une ressemblance avec l'une de mes connaissances".
Le jeune homme s'avance la bouche en coeur et me dit:
"Vous n' m' reconnaissezpas sans dout'. J' suis étudiant à Marseil'. D'puisqu' j'ai fichu le camp de chez maman, j'ai fait mon ch'min. Trabuquet, vous savez ? "
"Mon Dieu ! Je vois bien que tu as fait ton chemin mon brave Trabuquet. Tu as un bon maintien et peutêtre as-tu la tête bien faite. Je voudrais donc te poser une question, toi qui es fort en géographie :
Marseille est-elle à côté de Paris "
Ceci est une traduction car cet article du Républicain d'Uzès avait d'abord été publié en langue d'Oc sous le titre :
"Parla pounchut".
Ca donne ceci:

Un divendres de junh, te vesi dins la granda carriera de Sant Ippocù de Montevit, un joven vestit a la moda de nostre téms, la bragueta plan sarada e lo debas de las braias mai espandit.
"B'jour M'sieur ! "
M'arresti pes despelhas lo tipo de pé en cap s'en ver sùs son morre ùn aire amb' qualqu'un de consecùt.
Lo joven s'avança la boca en cor mai apounchada, e me ditz:
" Vous m'reconnaissez pas sans dout, j'suis étudiant à Marseill' . D'puis qu' j'ai fichu le com, d' chez mamon j'fais mon chemon. Trabuquet vous savez ?"
"Bondiu ! Vesi plan qu'as saminat, brave Trabuquet. As ùna bona contenencia dins lo mond' e benléu ùn bon contenùt dins ton closc. Mas te voldria pàusar ùna question, tù que es fort en géografia
"Marseiha es a costat de Paris ? "
Des réactions et un échange s'en suivirent . Un lecteur du Nord, que le Républicain appelle :M.Uzège-Nord" écrivit ceci :

Cher Ami,
Du tonnerre votre entrefilet ! En plein dans le mille ! En ce moment, vos lecteurs ruraux doivent bien "s"esclaffer". Mais pour plus de saveur, il aurait, je pense, dû être écrit en langue d'Oc-Uzège.
Amical Bonjour.
Cela aurait donné:

Un divendré de Jun té vésé din la gran carrièro dé San Ipocu dé Montévi ùn jouïné vesti à la modo dé aro : la braguetto ben sarrado et lou débas dé los braïos maï espandi.
"B'jour M'sieu !"
M'arresté d'un co per espincha aquel tipé dos pè à la testo san veiré sus sa figuro un air de conégu.
Aquesté jouïné s'avanço la bouco en cur apounchado coumo un bésougno dé poulo, é mé diz:
"Vous m' reconnaissez pas sans dout', j' suis étudiant à Marseill'. Depuis qu' j'ai fichu le com de chez Mamon j' fais mon chemon. Trabuquet, vous savez ?
Bondiou ! Vésé bè qu'as camina moun bravé Trabuquet... as uno bono counténenço, é ben léou un bon countengu din la testo alor té voudrieï pauousa uno questioun, tu qué siès fort en géographio. Digo mé : "Marseillo es a cousta dé Pariss ?"


d'après des articles parus dans le Républicain d'Uzès

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