02 décembre 2016

Cruviers - Larnac étymologie et nom du lieu

Un lieu vivant chargé d' histoire

 Etymologie et nom du lieu


Vue aérienne

Cruviers - Larnac

copyrigth Jean Mignot


L’étymologie de Cruviers viendrait de - creveau – cruvel ; - crevel – crible ;- cribellum  diminutif de cribrium ;- cruvelheir – crivellier – cruvelier.
Le dictionnaire de Germer-Durand qui fait autorité, dit que l’origine du nom est obscure et viendrait de « cruverium » qui signifierait : «  sur une croupe » . Ce nom est cité en 1247.
Frédéric Mistral dans le Trésor du Félibrige donne une autre interprétation : Cruviers viendrait de ces cupules ou trous dans le rocher sur lequel les habitations s’élèvent  et qui seraient les traces laissées par les oursins, pris dans la boue, devenue molasse puis pétrifiée aux temps néolithiques, probablement jurassique, quand la mer s’est retirée au moment du grand mouvement tectonique qui a vu s’élever le Massif Central et particulièrement les Cévennes. 
L’étymologie de Larnac vient de Larenus,  nom d’homme en latin avec le suffixe –acum  ( nom du hameau d’origine ) 
En 1715 on trouve : Larnac-Cruviers sur la carte du diocèse de Nîmes. Les cartes exposées au Musée du désert  indiquent : Cruviers-Larnac. La Carte de Cassini indique « Larnac ». La carte établie pour la guerre des Camisards indique « Cruviers » 
Il est important d’associer  les deux noms avec un tiret, non seulement vu ces étymologies, mais parce qu’il existe près d’ici, Cruviers-Lascours qui a souvent fait confusion et au moins deux lieu-dit appelés Larnac, l’un vers Alès l’autre vers Saint Ambroix. 

copyrigth Jean Mignot

Cruviers - Larnac un lieu chargé d'histoire... - histoire du lieu

DOMAINE de CRUVIERS-LARNAC

© Tous droits réservés 



selon l'armorial du diocèse d'Uzès cité par d'Albiousse
"de vair à un chef losangé d'or et d'azur"


Le lieu dit de Cruviers et un peu plus tard de Cruviers-Larnac trouve son étymologie dans ces petits cupules ou trou laissés dans le rocher sur lequel les habitations s’appuient, qui sont les traces laissées par les oursins, pris dans la boue, devenue molasse puis pétrifiée aux temps néolithiques, probablement au jurassique, quand la mer s’est retirée au moment du grand mouvement tectonique qui a vu s’élever le massif central et particulièrement les montagnes des Cévennes. Une très sérieuse étude diligentée par un éminent professeur de la Faculté de Montpellier, dont nous n’avons pas noté le nom, a fait une démonstration de cela avec à l’appui des photos prises sur les lieux. On trouve pareilles roches un peu partout dans le secteur comme en atteste l’ouvrage de Monsieur Larnac sur l’aqueduc romain du Pont Du Gard. Et Frédéric Mistral, nous confirme cette étymologie dans son « Trésor du Félibrige ».
Il est facile d’imaginer que sur les rives d’une mer ou d’un grand lac, des populations s’étaient établies. Cette hypothèse se vérifie puisque nous avons trouvé ici une stèle anthropomorphique à peu près sûrement de cette époque.
Un lieu occupé depuis des temps immémoriaux puis plus tard par les romains qui avaient établi là un ensemble de bâtiments, comme en attestent de nombreux vestiges, de tuiles ou poteries, ainsi que plus tard une photo aérienne, sur un autre lieu plus bas dans la plaine, confirmant l’emplacement de plusieurs bâtiments importants. 
La situation de Cruviers, comme celle de Saint Médiers, répond exactement à la description type de la villa romaine, adossée à la colline, à proximité de terres cultivables en plaine, et bâtie sur le roc.
La situation dominante a ainsi été érigé très tôt en ouvrage de défense des accès de la cité d’Uzès par le nord, se situant au croisement des grands axes connus et dont on peut encore trouver des traces à travers bois, routes qui allaient du sud au nord et d’ouest en est, plus tard connues par les appellations route de St Médiers à St Quentin et au delà vers le Rhône, route d’Uzès à St Ambroix, qui se croisaient exactement au centre des bâtiments de Cruviers.
Le lieu devenu fief est souvent cité dans les diverses archives, jusqu’à ces jours mémorables des 12 et 13 septembre 1703 où une quinzaine de Camisards, conduits par Moïse Nicolas, après avoir massacré les habitants de Potelières attaquent le hameau de Cruviers près Montaren. Ils incendient trois maisons et 8 personnes meurent, massacrées ou carbonisées, dont Marie Larnac femme de Paul âgée de 57ans et ses quatre enfants, dont Marie 14 ans, Isabeau 9 ans, Firmine 17 ans, Catherine Courtin âgée de 25ans, enceinte de cinq mois, Jean Chapelier âgé de 80ans et sa femme invalide âge de 70 ans, qui est consummée dans sa maison incendiée. Le même jour les deux métairies de Mayac ( appartenant au Chapitre d’Uzès) Mas Vieux et mas de Mayac, sont incendiées. La femme du fermier, son fils et le berger sont assassinés «  par la main meurtière des fanatiques ».
Les frères Larnac, le mari de Catherine Courtin, le fils Chapelier réussirent à s’échapper. N’étaient restées dans la métairie, que femmes, vieillards et enfants avec deux valets, nouveaux convertis. Les Camisards, après avoir vérifié l’identité de ces deux derniers, les libérèrent.

sources : le Républicain  d’Uzès et le document reproduit par Henri Bosc dans son ouvrage sur la guerre des Camisard. ( Henri Bosc La guerre des Camisards T 2 Presses du Languedoc 1986) Le document original se trouve aux archives départementales de l’Hérault : C 267 ravages des Camisards et aussi l’ouvrage de Marcel Pin sur Jean Cavalier page 256 éd. Laffite Reprints 1980


Voir article suivant : Le massacre de Cruviers

Les habitants de Saint Médiers prirent des dispositions pour protéger le village. Une délibération du Conseil municipal rapporte : « qu’en raison des massacres qui ont eut lieu dans le voisinage et par crainte des brigands camisards, il est nécessaire de fermer les rues par des barrières fermées à clé  ». Ils avaient tout lieu de se prémunir conte d’éventuelles attaques car le 5 janvier de la même année,  il y avait déjà eu le premier massacre de Belvézet. Et le 14 novembre le hameau de La Baume sera brûlé.
(archives municipales de Montaren 1703-1704)

Ainsi peuvent s’expliquer les traces très nettes d’incendies sur de vieilles  pierres brûlées que l’on trouve ici et là dans les bâtiments. Nous n’avons que peu de renseignements sur les bâtiments. Un seul plan très ancien de 1887 et établi par un géomètre d’Uzès est assez explicites sur la situation des lieux. Par ailleurs une bonne observation du bâti, en le comparant avec des bâtiments de ferme de la région, fait apparaître les mêmes piliers en pierre supportant une poutre en fer soutenant l’étage supérieur, au bâtiment de l’ancien pailler et au bâtiment de l’ancienne magnanerie. Le seul usage des poutres en fer est très récent et c’est bien connu. Par ailleurs c’est la même voûte au portail d’entrée du pailler, côté ancienne étable et à l’entrée de la bergerie. C’est construction sont postérieures à 1887 puisqu’elles ne sont pas sur le plan établi à cette date. Ces premiers grands travaux ont été diligentés à la demande d'Edmond Rode époux de Henrieette Anne Marie d'Amoreux et sa belle soeur Lucie Marie Charlotte d'Amoreux, épouse de Léon Bayle au titre de leur héritage d'Amoreux ( fille de Charles d'Amoreux - leur frère Gaspard Augustin étant décédé)  pour construire et aménager deux fermes dans le lieu-dit Cruviers, en 1889. C 'est ainsi que ce bien "d'Amoreux" passe aux Rode et aux Bayle. Car Cruviers est un bien "d'Amoreux" et non un bien "Rode". Quant aux bâtiments d’habitation du bas, la façade et la quasi-totalité du bâtiment, hormis la façade Nord, ont été mis à bas dans le cadre des grands travaux que Maurice Rode - fils d'Edmond - avait fait exécuter dans les années 1903 à 1907, et nous avons la preuve par les photos qu’ils avait prises à cette époque.
Par ailleurs, grâce aux travaux de Lionel d’Albiousse sur les anciens propriétaires des lieux et aux renseignements qu’il a recherchés dans les archives municipales et dans celle du duché à la demande de nos ancêtres directs quand il sont devenus à leur tour propriétaires des lieux, renseignements que nous avons pu, grâce aux moyens modernes, vérifier et compléter comme nous allons le voir, nous pouvons établir de façon certaine et compléter, preuves à l’appui, la liste des différents seigneurs de Cruviers,

Cruviers, fief relevant du château ducal d’Uzès, appartenait à la famille de Bargeton.
La maison Bargeton, originaire du diocèse d'Uzès, fut anoblie par lettres patentes de François 1er du mois de novembre 1553, en la personne de Mathieu de Bargeton, Seigneur de Lédenon, demeurant à Uzès.
Pierre son arrière petit-fils fut condamné comme usurpateur de noblesse, faute d'avoir produit devant M. de Bezons, l'original des dites lettres d'anoblissement; il se pourvut en conseil du Roi obtint un arrêt le 31 mars 1672 qui, en le maintenant dans sa noblesse, nonobstant qu'il ne rapportât pas l'original des lettres d'anoblissement, dont Sa Majesté le dispensait, considération de ses services et de ceux de ces prédécesseurs, ordonna qu'il jouirait des privilèges attribués aux autres gentilhommes du Royaume. Cet arrêt fut confirmé par des lettres patentes du Roi données à Saint Germain en Laye le 18 avril 1672
(d'Hozier. Armoirial Général T II R).



Les armes des Bargeton sont :
 «  d'azur à un chevron d'or accompagné d'une rose d'argent posée à la pointe de l'écu, au chef d'argent chargé de trois croisettes de gueules ».

En 1585, Louis de Bargeton était Seigneur de Cruviers. Marié en 1608 avec Marguerite de Massane, ce couple eut trois enfants, Suzanne, Isabeau et Pierre.
Suzanne épousa Henri de Narbonne-Caylus, baron de Lunas, de la noble et puissante famille des Aimeri et Amalric de Narbonne. Leur fils, Pierre-Jean de Narbonne-Caylus, hérita du fief de Cruviers.


Les armes des Narbonne-Caylus sonr : 
"écartelé n 1 et 3 de geules plein qui est Narbonne et au 2 et 4 d'azur au léopard d'argent qui est Lunas "

En date du 16 mars 1693, il vendit ce fief à Pierre de Larnac, écuyer, habitant d’Uzès.
Pierre Larnac eut une fille Louise qui se maria avec Jacques Israël Delgas ( Société Historique du Protestantisme.SHPF - bulletin de 1913) . De ce mariage naquit Marie, qui reçut le baptème en date du 20 septembre 1745. Son père, qui par son mariage avec la fille de Pierre de Larnac était devenu titulaire du fief de Cruviers, avait été accusé de cacher le pasteur Pradel. Il avait été arrêté et enfermé au fort de Brescou. Par la suite il avait émigré à Genève où il mourut.
La famille Delgas était une famille protestante d’Uzès issue d’Israël Delgas notaire royal de la ville Le père de Jacques Israël Delgas, fils d’Israël, qui se prénommait Louis, avait épousé sa cousine germaine Suzanne Delgas. Poursuivi à cause de sa religion, il avait quitté Uzès pour Londres en 1699. Il devait par la suite être naturalisé à Neufchâtel en Suisse. Son épouse Suzanne étant malade, il était revenu à Uzès en 1719. Reconnu et dénoncé, notamment par un billet du Duc de Roquelaure, il avait été arrêté par le Commandant d’Uzès, M.de Préfosse et enfermé à la Tour de Constance, comme en atteste la liste des prisonniers de cette sinistre tour. Il fut libéré comme « fou », sans doute se fit-il passer pour tel, comme le précise le livret d’écrou. Il fut contraint d’abjurer le 19 juillet 1719 et put ainsi rester auprès de sa femme. Plus tard, il émigra avec elle pour la Suisse, où il avait été naturalisé, à Neufchâtel, dès 1711.

Jacques Israël Delgas, époux de Louise de Larnac
Seigneur de Cruviers par sa femme.
Accusé de cacher le Pasteur Pradel, il est arrêté et enfermé au fort de Brescou

On relève sur le registre  d'écrou de la Tour des Masques, un Sr Delgas, d'Uzès, seigneur de Cruviers comme pris dans une assemblée de culte, dans le Gard, en 1745, devenu fou et libéré en 1746
" en 1745 , autour de st Ambroix, se tenaient des assemblées très fréquentes. L'officier du lieu finit par obtenir l'autorisation d'en surprendre une, et il y arrêta le médecin Antoine Roux. Le prisonnier, conduit à Aigues -Mortes, y fut écroué dans la chambre haute de la Tour des Masques ( octobre 1745). Un mois après il était transféré à Montpellier et condamné aux galères. Il avait été remplacé dans sa cellule, le jour même où il l'avait quittée, par le Sr Delgas, d'Uzès, qui était seigneur du village de Cruviers. Delgas était coupable d'avoir mené sa femme aux assemblées du Désert. Il soutint fermement six mois de prison à la Tour des Masques, mais il passa alors par des acès de folie. Combelles dut le faire garder à vue et demanda sa libération: " il était assez puni d'avoir perdu l'esprit". Il fut reconduit à Uzès ( août 1746).

On trouve tous ces renseignements dans le Bulletin de la SHPF,et  dans le livre de Charles Bosc sur la Tour de Constance.
Par le mariage de Marie Delgas avec Louis de Broche, le fief de Cruviers est passé dans cette famille.
La famille de Broche est issue d’une très vieille famille 



Les premières armes des de Broche sont 
"Ecartelées en 1 et 4 à trois gerbes ( ou brosses) d’or lièes sur champ d’azur qui est de Brosse ; "

Ces armes sont sculptées dans une des salles du Palais de la sénéchaussée de Nîmes

Mais on trouve aussi : 

" d’azur, à un oranger d’or dans sa caisse de même posée sur une terrasse de sable, au chef cousu de gueules, chargé de trois étoiles d’or, "
( avec une variante : trois étoiles d’argent)

Ce sont les armes des de Broche de Cruviers


 les armoiries des de Broche de Cruviers sont les suivantes :



En 1788 noble Louis de Broche, chevalier, était seigneur de Cruviers.
Il mourut sans descendance, en date du 28 mai 1843. Appartenant à la religion réformée, il fut enterré sur place dans son fief de Cruviers, à un endroit qui n'a été découvert que récemment, en 2015, grâce à un courrier trouvé dans nos archives, du fermier en exercice adressé à Maurice Rode, au moment des travaux de 1905 à 1908 .

24 Fructidor An V 
Un partage attribue une part du territoire de Cruviers à Marie Rose Larnac.
Une parcelle du lot revenant à celle-ci confronte Veuve Broche (Il est probable que cette veuve Broche est la veuve d’un de Broche dont le nom s’est altéré pendant la Révolution, peut-être Louis de Broche).
Le domaine était donc à cette époque, partie aux Larnac, partie aux de Broche (peut-être d’autres encore).

Acte reçu par Me Delafont notaire à Uzès et Me Cade notaire à St Quentin.

Biens Larnac





3 Août 1833
Marie Rose Larnac fait donation de ses biens à un sieur Valentin ( bien détaillés dans le partage du 24 Fructidor An V (mais elle devait en avoir d’autres comme le constate l’acte suivant.)

Acte reçu par Me Dufour notaire à Uzès.

1er Mai 1835
Acte de partage entre les hoirs Larnac.
Il y avait donc à cette époque à Cruviers, de Broche, Larnac et Valentin.

Acte reçu par Me Moustardier notaire à Uzès

1er Octobre 1837
Valentin vend tout son domaine à Daniel de Broche.
Il n’y a plus que deux propriétaires : de Broche et Larnac.

1837
Pierre Paul Larnac devient héritier des biens Larnac

1838
Il meurt à Montaren, instituant sa femme légataire universelle.

Testament reçu par Me Delafont notaire à St Quentin le 20 Mai 1838.

17 Août 1881
La femme Roman (Veuve Larnac) vend ses biens à Prosper Louis Bonnaud, gendarme en retraite.

Acte reçu par Me Dumas notaire à Uzès.

14 Janvier 1894
Prosper Louis Bonnaud meurt. Son bien reste indivis entre 6 héritiers.

19 Avril 1896
Achat aux dits héritiers par Monsieur Edmond Rode, des biens qu’ils avaient en enclave dans la partie Est de Cruviers. (partie attribuée à Madame Rode dans la succession de son père Monsieur Charles d’Amoreux).

Vers la même époque, achat aux mêmes héritiers, par Monsieur Fournier, propriétaire à Vaugrand, commune de Montaren, de toutes les enclaves situées dans la partie Ouest de Cruviers (part de Madame Bayle).

Ces enclaves sont encore actuellement à Monsieur Fournier ( en 1905 ).


Biens de Broche

1846 Monsieur Daniel de Broche étant décédé, un rapport d’experts est établi
(19 Novembre 1846) contenant partage entre les héritiers de Broche qui sont :

- A                   - Madame Milliet de Balazuc, née de Lattes de Luziers

- B                   - Madame Couderc née de Latour Lisside (*)
                        - Madame Martin née de Latour Lisside
                        - Monsieur Marc Antoine de Latour Lisside
                        - Les enfants de Maillan , Jules, Amédée, Hélène religieuse et
                        - Auguste, nés sans doute d’une autre dame de Latour Lisside



Les armes de la famille Latour-Lisside sont : 
"d'or à une tour d'azur maçonnée de sable, au chef cousu d'argent  chargé de de deux étoiles  et d'un croissant d'azur
Armorial du Diocèse de Nîmes p. 83

(*) On trouve aux archives de France, dans le fonds Bro ( général du 1er Empire) des papiers concernant cette famille ainsi que des documents sur une affaire opposant cette famille aux Quatrefages.

Cette affaire dite affaire "Quatrefages/Latour-Lisside" se résume ainsi : 
Le 10 juin 1845, peu de jours après le décès du sieur de Broches,  il fut adressé par un anonyme, et par la voie de la poste, à M. le président du tribunal d'Uzès, un testament olographe signé Daniel, chevalier de Broches, par lequel celui-ci instituait pour son légataire universel  le sieur Quatrefage du Fesque, et faisait, en outre, divers legs particuliers.
La lettre d'envoi qui ne portait aucune date, et servait d'enveloppe au testament était ainsi conçue :
 « J'ai trouvé ces papiers à la route de St-Quentin. De peur d'être en faute, je les remets  à son adresse en venant de Larnac. Je suis cultivateur
Ce testament fut immédiatement déposé dans les minutes de Me Moustardier, notaire à la résidence d'Uzès, suivant ordonnance du président du tribunal rendue le même jour, 10 juin.
Le sieur Latour- Lisside , héritier légitime, ayant appris l'existence du testament, déclara aussitôt par acte extrajudiciaire signifié le 10 juin au sieur Quatrefage, « qu'il déniait d'ores et déjà les écriture et signature apposées à cet écrit ou à tout autre qu'on pourrait présenter plus tard, comme n'étant pas l'ouvrage du chevalier de Broches, mais bien le résultat d'une fraude dont le sieur Latour-Lisside se réservait de poursuivre les auteurs et complices; qu'en conséquence ce dernier faisait opposition à toute ordonnance d'envoi en possession... et à la prise de possession des biens etc.»  Il est même allégué par le sieur Latour- Lisside qu'il se serait en même temps transporté chez le président pour le prier de ne point rendre l'ordonnance d'envoi en possession sans l'en prévenir, à quoi ce magistrat aurait répondu qu'il ne pouvait adhérer à cette demande, parce qu'elle était contraire aux usages de la justice.
Le même jour 10 juin, le président rendit, en effet, son ordonnance d'envoi en possession sur la seule requête du sieur Quatrefage. Le sieur Latour-Lisside signifia alors au greffier du tribunal un acte extrajudiciaire par lequel il déclara s'opposer à la délivrance de l'expédition de l'ordonnance.
Le sieur Quatrefage, muni de la permission du président, actionna les opposants en référé pour obtenir la main-levée de cette opposition qui fut prononcée par ordonnance du 14 juin.
Le 26, le sieur Latour-Lisside auquel se joignirent différents autres héritiers naturels du chevalier de Broches, assigna à son tour, en vertu d'une autorisation du président, le sieur Quatrefage devant ce magistrat, concluant à ce qu'il fût jugé que l'ordonnance d'envoi en possession serait rétractée, les demandeurs remis en possession des biens de l'hérédité, et subsidiairement que ces mêmes biens seraient séquestrés provisoirement jusqu'à décision ultérieure par les juges du fond.  Le 5 juillet nouvelle ordonnance qui rejeta l'opposition, et, sans s'y arrêter, ordonna de plus fort l'exécution de la première. 
A partir de là la tension monta entre les hétiers de Broche ( les Latour-Lisside neveux et petits-neveux du chevalier) et M.Quatrefage du Fesque qui se prétendait, du fait de ce document trouvé dans le fossé de la route ( 1) légataire et seul héritiers des biens de Broche. 
Finalement de jugements en appel les héritiers légitimes du chevalier de Broche obtinrent gain de cause et la vente des biens de Broche à Charles d'Amoreux put enfin avoir lieu selon les indications qui suivent .

Note ; par la branche de Broche de Saint André du château des Barbuts , M de Quatrefages du Fesq est un parent du Chevalier de Broche de Cruviers mais à un dégré plus éloigné que les neveux du dit Chevalier de Broche de Cruviers 

Entre 1846 et 1851, Madame Martin et Monsieur Marc Antoine de Latour Lisside étant morts, leur part revient partie à Madame Couderc, partie à la branche de Maillan (*)

(*) de Maillan, famille originaire du Gévaudan où elle possédait la seigneurie de Lacaze. 



Les armes de la famille de Maillan  sont 
"d’or à l’aigle déployé de sable, armé de gueules, écartelé d’azur à deux molettes  d’éperon d’or et d’un maillet de même en cœur."

Madame Couderc meurt à son tour. La part revient à ses enfants :
                        Adrien Couderc chanoine à Nimes (*)
                        Jean Victor Adolphe
                        Léopold
                        Madame Jules de Maillan

 (*) Félix Adrien Couderc de Latour Lisside + le 15 décembre 1865 à Nîmes. Chanoine théologal de Nîmes, auteur d’une biographie de Monseigneur de Chaffoy évêque de Nîmes. Il publie aussi «  Entretiens d’un prêtre avec lui-même, disposé en forme de lecture pour servir à sa retraite annuelle, ou dans l’intervalle d’une retraite ecclésiastique. Nîmes. Bodot 1857 in-18 raisin de 5400p.
Plusieurs lettres du Père d’Alzon citent le chanoine Couderc et son frère Léopold.

10 Avril 1851 par acte sous seing privé signé au château de Cruviers, Madame Milliet de Balazuc vend sa part au chanoine Couderc.

Acte sous seing privé fait en double au château de Cruviers, enregistré à Uzès le 3 Mai 1852 et déposé dans les minutes de Me Moulin, notaire à Uzès.

A la même époque, Monsieur Auguste de Maillan cède sa part au chanoine Couderc.

Restent donc en 1852 les possesseurs suivants des terres de Cruviers ayant appartenu à Monsieur Daniel de Broche :
1/ Le chanoine Couderc pour les 2/3
2/ Les frères Jean Victor Adolphe, Léopold et leur sœur Madame de Maillan.
3/ Ses cousins Jules de Maillan, Amédée de Maillan et Hélène de Maillan.


13 Novembre 1854 vente de toute la partie de Cruviers ayant appartenu à Daniel de Broche, par les héritiers Couderc et de Maillan, à Monsieur Jean Charles d’Amoreux.

Acte reçu par Me Conte notaire à Nimes.







Armoiries de la famille d'Amoreux
"de gueules au coeur d'or accolé en pointe d'un croissant d'argent, au chef d'azur, chargé de deux flèches d'argent, posées en sautoir, accostées de deux étoiles du même"
Armorial de la noblesse du Languedoc - Grand Armorial de France de Jougla de Morenas

22 Février 1880 décès de Monsieur Jean Charles d’Amoreux.

2 Mai 1882 partage sous seing privé entre les deux filles de précédent, Madame Rode et Madame Bayle.

Madame Rode a la partie Est, (soit le domaine de Court, la ferme basse, et ma laison de la place aux Herbes à Uzès) Madame Bayle la partie Ouest.( la ferme haute, et le domaine de St Médiers) 
C'est dans la maison de St Médiers passée aux héritiers  Bayle c'est à dire les Tribes que la famille Stengel se réfugiera en août 1944 pendant l'occupation de Cruviers par les troupes allemandes à la débâcle. ( voir le récit du bombardement ci après)
Les enfants sont alors nourris par la famille Simon. 

D'importants travaux sont entrepris en 1882 par Monsieur Edmond Rode et sa belle soeur Madame Bayle
L'observation du cadastre de 1887, et l'emplacement des bâtiments actuels permet  de comprendre la physionomie actuelle du Mas, excepté pour les biens Bonnaud dont la maison  qui est encore sur cet ancien cadastre, sera soufflée par l'explosion d'une bombe en août 1944. Cette maison sera remplacée en dommage de guerre par l'actuelle maison en crépis rose. Les ruines sont le support de l'actuel parking devant la maison rose.

On aménage et on construit le pailler  ( actuelles chambres  d'Hôtes) et la bergerie. ( qui ne sont donc pas des bâtiments du 18 ème !)
On refait le branchement de la citerne
On aménage des magnaneries, 
On construit poulaillers et cochonniers . 
On refait les murs d'enceinte et on met en place dans les deux lots des portails. 

Sont utilisées des pierres de tailles et déjà des poutres en fer soutenues par le même type de pilier en pierres de taille qu'on retrouve un peu partout dans les grands mas de la région. Voir les piliers au bâtiment du pailler et les piliers du bâtiment du bas sous l'ancienne magnanerie: ils sont exactement les mêmes et ils supportent des poutres de fer qu'on commence à utiliser alors dans les constructions nouvelles et qui "exploseront " avec la Tour Eiffel. 
Les portes de la bergerie ( aujourd'hui transformée en fenêtre ) et celle du pailler (donnant aujourd'hui sur le salon de l'appartement),  sont aussi exactement de la même pierre et de la même taille de la même forme, en "anse de panier"  et de la même dimension à quelques centimètres près.!. 
On retrouve ve type de grande porte un peu partout dans les mas de la région.
L'ensemble des travaux s'élève à plus de 25000.000 francs. 

10 Mars 1891 Décès de madame Rode

 6 Octobre 1892 Dans un partage entre les quatre enfants de madame Rode, le domaine   est attribué indivisiblement à Maurice Rode et  à Madeleine Rode.

 16 Septembre 1895   Dans un partage entre  Monsieur Maurice Rode et Mademoiselle          Madeleine Rode, le domaine est attribué en  entier à Monsieur Maurice Rode.

 Acte enregistré à Nevers le 9 Octobre 1895

                                                                                  
19 Avril 1896  Achat par Monsieur Maurice Rode aux héritiers Bonnaud, de la partie des     biens Larnac enclavés dans son domaine.                                                                           

                                                                                  
7 Mai 1900     Décès de Madame Bayle.. Ses enfants Monsieur Charles Bayle et Madame Tribes recueillent sa succession  et restent indivis.

23 Novembre 1901 Vente par Monsieur Charles Bayle et Madame Tribes de leur Domaine
de Cruviers (partie Ouest) à Monsieur le Docteur Gourbeyre, d’Ambert, beau-père de Monsieur Maurice Rode, possesseur de la partie Est du domaine.

Acte passé devant Me Carrière notaire à Nimes

En résumé, sont possesseurs, en Juin 1905

Partie EST                  - Monsieur Maurice Rode

Partie OUEST            - Monsieur Gourbeyre

Avec quelques enclaves situées dans la partie Ouest, propriétés de Monsieur Fournier, de Vaugrand

C'est à ce moment là que Maurice Rode fait entreprendre de grands travaux à la maison de maître  de la ferme du bas . Ces travaux dureront 5 ans, de 1904 à 1909

De tout ceci, il résulte qu’il y a eu autrefois, avant la Révolution, au 17ème siècle, comme possesseur de Cruviers, une famille Larnac, écuyer. Cette famille a du décliner. La plupart des terres sont allées aux de Broche qui en étaient devenus seigneur en 1788. Cependant il y avait encore simultanément, à l’époque de la Révolution et jusqu’en 1846, des Larnac et des de Broche.
Les de Broche avaient la maison de maître et la ferme d’en haut.
Les Larnac ( et incident Valentin) habitaient le bâtiment à peu près en ruines sur le chemin de Saint Quentin à Saint Médiers (*)
Ils avaient aussi la maison sur la grande route (cédée à la famille Barthélémy),  et le jardin de la fontaine.

Après quelques années qui suivent la mort de monsieur de Broche, la situation était rétablie comme de son temps : Charles d’Amoreux ayant la maison de maître et la ferme d’en haut, la Veuve Larnac ayant les mauvais bâtiments sur le chemin de St Quentin à St Médiers et des terres enclavées un peu partout

Cette décadence des Larnac s’est achevée par la succession Bonnaud qui a fini par revenir au domaine principal (sauf quelques enclaves à Fournier).

En Juin 1905, Monsieur Rode a la partie Est, son beau-père la partie Ouest (sauf enclaves Fournier).

Madame Rode étant fille unique, le domaine doit être reconstitué un jour par la réunion des parties Est et Ouest.

Maurice Rode étant décédé en 1914, Mort au Champ d'Honneur, son épouse Andrée Gourbeyre procède au partage des biens entre ses trois enfants. 

Le domaine de Cruviers-Larnac est attribué en totalité à Marie Rode, qui épouse Aloïs Stengel. 

Août 1944 après le débarquement en Provence, la maison de Cruviers est occupé par l'Etat-Major d'un régiment allemand qui tente depuis Alès de rejoindre la vallée du Rhône. L'occupation ne dure que trois jours. 
Les enfants sont envoyés à Saint Médiers et ils logent dans la grande maison Bayle/Tribes dans le centre de Saint Médiers. Ils ont accueillis par la famille Simon. 
Marie Rode et Aloïs Stengel veinnent tous les jours s'occuper du bétail. 
L'occupation est sans problème et les lieux, les meubles et les objets sont respectés. Mais le 27 août un évènement important va se passer. En voicii le récit : 

De Marie Rode à sa Mère Andrée Gourbeyre épouse Rode ( extraits )

Cruviers le 15/9/44
J’espère que vous aurez eu ma carte après plusieurs lettres vous disant que nous allions tous bien, malgré le bombardement. Et oui, 3 jours après ma dernière lettre, alors que plus aucune troupe allemande ne passait, le tournant de la route a été visé et nous avec. Il était 7h ½. Je sortais pour étendre du linge quand les bombardiers ont passé. Puis je les ai vus tourner et revenir. Aloïs arrivait de faire manger le cochon. Je lui dis " on dirait que les avions viennent vers nous » . «  Pour quoi faire, dit-il, il n’y a plus rien ». nous rentrons au salon. Au même moment on entend l’avion piquer et les vitres volent en éclat .Nous nous précipitons pour chercher Paul. Le pauvre riait, enchanté de ce vacarme. Arrivons devant la cave, la porte était déjà coincée. Nouvelle hâte vers la dépense, près de la cuisine, où nous nous sommes réfugiés jusqu’à la fin ; les vitres ayant déjà sauté, nous n’avons pas été blessés. Mais quelles minutes ! … Il semblait que tout s’effondrait sur nous ! Quand nous sommes sortis, c’était minable. Les plâtres, les vitres, etc.. Tout ce qui était galandages est tombé ou est à refaire. A la salle à manger, la suspension a volé de l’autre côté. La clef de l’armoire était vers la fenêtre ! Heureusement l’intérieur n’a pas souffert. Dans les placards il y a quelques dégâts mais les meubles n’ont pas grand-chose. De votre côté, le couloir est réuni aux chambres. On va mettre quelques grands rideaux pour tamiser un peu l’air. Les chambres du bout sont inhabitables, n’ayant plus de cloisons, ni plafonds. Au Nord, il n’y a plus de vitres et c’est très difficile à se procurer en ce moment. Pourtant il faudrait pouvoir fermer un peu pour l’hiver.  Les toits avaient beaucoup de mal. On a défait la vieille lingerie et tout est rangé provisoirement. La maison Bonnaud a eu une bombe.( voir la note (*)) Même la voute vers la cour a lâché. Une autre bombe  sur les cochonniers et le coin des pins. Tout cela est inutilisable. Une bombe à l’angle du tournant et 2 sur le rocher au-dessus. Une autre qui était destinée au pont est tombée dans les pins et a mis le feu. On commence à voir un peu plus clair dans tous ces plâtras. Mais vous pensez si l’on avalé de la poussière. C’est navrant de penser à tant de désastres.. et pourquoi ?
Nous avons dû faire constater les dégâts par huissier et architecte. Touchera-t-on quelque chose ? N’avez-vous pas idée de l’endroit où peut être le plan de la maison ? Dans le secrétaire il n’y a que des factures et des devis. Pour le moment il faut s’organiser avec ce qu’il y a ; on ne peut songer à aucune réparation ; les matériaux manquent.
 Il pleut tout le temps en ce moment, aussi les vendanges  ne se feront pas avant  la semaine prochaine. On aura le vieux Coste, les Espagnols , Simone (1) et les enfants. On arrivera. Il n’y a pas tant de raisins avec la sécheresse et l’oïdium. Le grain est toujours sur l’aire non battu. La batteuse n’a pas pu revenir de Barjac. On aura peut-être Chalier. Pas mal de gerbes ont servi à la nourriture des chevaux et au camouflage des voitures. Les fourrages aussi. Vous voyez ce qui nous reste. Quelle année ! Et tout cela ne serait rien si l’on ne voyait tant de tristesses autour de nous …
A Montaren Espérandieu est revenu nous assurant de tout son dévouement, tandis que le  Camelier ( ??) est à Uzès. Tous ont fort à faire. M.Thérèse  ( 2) est repartie voilà quinze jours. Elle m’a rendu bien service avec les enfants à St Médiers. Cette pauvre Rose était affolée et démoralisée. Et elle a été malade 8 jours en rentrant ici. Elles sont reparties cette semaine pour Anduze. Et Rose viendra une quinzaine en Oct. les petites n’ayant pas de manteaux. Il ne s’est pas fait grand’chose cet été avec tout ce branle-bas. J’ai la chance par exemple de voir arriver Madeleine mardi. Elle vient de me télégraphier , sûrement au reçu de ma carte lui racontant notre guigne. Les enfants reprennent figure. Ils avaient des figures de déterrés au retour de St Médiers. Odile même eu de l’infection intestinale ; mais elle reprend de l’appétit. Quant à Paul, il va très bien, ne se ressentant pas de tous ces trimballages, et pourtant il en a fait des courses entre St Médiers et ici ! On a bien marché. Il fallait aussi n’aller à Uzès qu’à pied… et encore souvent avec le mitraillage. Quelle vie ! Et notre pauvre Alsace maintenant qui est en plein combat. Toujours rien de ma belle-mère. Aloïs va toujours mieux, mais il n’a pas de force bien sûr comme avant. Et puis, tout cela a été beaucoup d’émotions. Vous ai-je dit que nous avions logé les premières troupes françaises. Les corps médical avec le Colonel. Ces voitures conduites par des chauffeuses dont une était d’Issoire. C’est tout de même un drôle de mélange. Que donneront ces nouvelles méthodes !"

Quelques jours après ce bombardement, ce sont les troupes débarquées en Provence qui arrivent à Uzès. Le commandement vient s'installer à Cruviers avec une armée  de petits "annamites" qui voyant le gros micocouliers ont grimpé dans l'arbre pour grignoter des micocoules. Suzanne raconte cela en riant car les enfants revenus à la maison avaient été impressionnés par ces hommes de taille assez petite à la peau  jaune. 

En dédommagement de guerre, on reconstruira les cochonniers sous le grand mur de l'aire ( aujourd'hui ils ont disparus), le sillo à grains contre le vieux pont de 1899 ce qui est très laid et dénature les lieux et une maison à un étage avec hangars attenants) Cette maison a été aménagée en maison d'habitation. C'est la maison en crépis rose à l'entrée du mas à droite. La ferme Bonnaud trop endommagée a été détruite et ses vestiges sont sous le parking actuel devant cette maison. 

Marie Rode/Stengel est décédée en 1978. Ses enfants sont actuellement propriétaires des diverses parcelles du domaine, chacun ayant sa part propre .  

Les héritiers Stengel aménageront en appartement la magnanerie du bas, le pailler, la bergerie du bas, lpuis la petite maison construite en dédommagement des dégats de guerre, après que la maison Bonnaud ait été soufflée par une des bombes lachées dans le grand virage en épingle à cheveu.. 

En 2000 ce sera les nouveaux propriétaires qui aménageront une partie de la ferme du haut près du Vieux Pigeonnier. 

                                                                        sur la base d'une  étude de  Lionel d’Albiousse
                                                                            adaptée et complétée par Jean Mignot

(*) Ce bâtiment en mauvais état, a été soufflé par l’explosion d’une bombe en Août 1944 ; et a été remplacé, au titre des dommages de guerre par le petit bâtiment en béton servant de hangar avec une petite habitation au dessus. Ce bâtiment a été agrandi et est devenu maison d'habitation .
Les biens Larnac ont donc aujourd’hui disparu pour ce qui est du bâti.  

 note de  Jean Mignot

14 novembre 2016

Le massacre de Cruviers





Eléments sur l'histoire de Cruviers et l'attaque des Camisards de 1703



D’Après le livre de Marcel Pin :
«  Jean Cavalier » 25 novembre 1681 - 17 mai 1740 paru chez Chastanier frères et Améras imprimeurs à Nîmes 12 rue Pradier en 1936 - Reédition de Laffite Reprints Marseille 1980 p 256

Marcel Pin est né à Alès en 1887 dans une famille de bons notables protestants. Il est avocat.

Le contexte :

Au mois d’août 1703 Bâville est préoccupé, il cherche une solution qui termine la révolte sans ruiner les contribuables.
L’Intendant a demandé une Ordonnance Royale permettant d’envoyer aux galères, sur le champ, tous les nouveaux convertis de 15 à 55 ans, trouvés hors de leurs paroisses sans passeport. 
( copie de cette Ordonnance fut envoyée par Chamillard à Montrevel le 10 septembre. Un exemplaire imprimé, daté du 11 septembre, se trouve aux Archives de Toulouse  HL 1792)
Toujours persuadé de la complicité des bourgeois, Bâville a demandé également l’autorisation de leur imposer une contribution de 200.000 livres, cette somme permettra de secourir les anciens catholiques .
( le Roi autorisa cette imposition. Note manuscrite de Chamillard sur la lettre de Montrevel du 16 septembre A.G 1708 111)

Enfin l’Intendant a proposé le « razement » de trente et une paroisses cévenoles, il veut, depuis la Lozère jusqu’à l’Aigoual, dépeupler et ruiner la montagne.
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Il faut transformer le pays en désert et que les rebelles n’y puissent plus trouver abri ni subsistance ; tous les villages en sont pauvres et rapportent de maigres impôts, le Roi n’aura pas trop à souffrir de leur dévastation.
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Montrevel, sans croire qu’il puisse suffire à calmer la révolte, approuve le projet de Bâville .
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La Cour hésite . Le 22 août La Vrillière informa Bâville que le Roi va se déterminer à permettre le dépeuplement. Avec une incompréhension totale de la situation, le secrétaire d’Etat aux affaires de la Religion prétendue Réformée demande à l’intendant de lui adresser un état exact des habitants qui vont être ainsi ruinés.
Le 30 août les puissances se réunissent à Alais et décident les détails du rasement en attendant l’autorisation de commencer.
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Les 13 .000 habitants des 31 paroisses seront rassemblés et conduits fort doucement. A Mèze, Lunel, Lodève, Béziers, casernes ou manufactures sont aménagées et prêtes à les recevoir, la cité de Carcassonne sera une prison commode ; un soin particulier sera pris des malades, des femmes enceintes, à l’hôpital de Montpellier qui est très bon. Les plus gravement atteints iront à Mende «  où ils seront fort bien ». Les maisons elles-mêmes n’auront pas trop à souffrir. On se contentera de démolir les toits et les planchers.
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Le 14 septembre l’autorisation du Roi n’est pas encore arrivée. Montrevel s’impatient. Il fait publier et afficher dans les paroisses condamnées une circulaire préparatoire.
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Enfin le 16, un courrier-exprès apporte l’autorisation attendue…


Les faits :

Ouvrage de Marcel Pin «  Jean Cavalier » ; Chapitre X : Les représailles de Cavalier - 10 septembre - 1er Octobre 1703


Grâce à l’indiscrétion des évêques qui, huit jours avant la réponse du Roi, l’avaient rendu public, les rebelles connaissaient le projet de Bâville . (Montrevel à Chamillard. Nîmes 14 octobre . AG 1708. 178 H I 1823)  Au cours des trois dernières semaines du mois de septembre, Jean Cavalier, pour retenir dans la plaine les troupes du Roi, va, avec une impitoyable activité, exercer de cruelles représailles préventives.
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Dans la nuit du 11 au 12, quinze Camisards, conduisant 8 chevaux, viennent à Cals, hameau de 4 maisons entre Navacelle et La Bégude d’Auzon, ils réquisitionnent 3 salmées d’avoine, des balles de foin, et les emportent à Bouquet où campent Cavalier et sa troupe.
Le 12, comme tombe la nuit, 30 Camisards arrivent à Potelières, domaine de Bérard-Montalet, baron d’Alais . Par bandes de 3 ou 4, ils fouillent les maisons du village, fusillent un catholique qui veut s’échapper, en attachent un second en lui disant que le Saint Esprit commande de le poignarder ; ce dernier est assez agile pour se libérer, sauter par la fenêtre et disparaître dans l’obscurité. Aux maisons de Mas, les Camisards tuent ou blessent 9 personnes. Ils en rassemblent 13 dans l’église ; après les avoir invité à prier Dieu, Beulaigue, le sacrificateur, les frappe à coups de hache et de baïonnette. Avant de reprendre la direction de Bouquet, les Camisards incendient 7 maisons, six habitants y périssent asphyxiés ou brûlés. ( Desbordes à Montrevel. Auzon 13 septembre . AG 1708. 110)
Alertés par le paysan qui avait échappé, Desborde, commandant la petite garnison de Rivières, ne peut que s’attrister en voyant flamber Potelières. Il n’osa pas s’aventurer dans la nuit et fut sage. Les Camisards avaient posté un détachement de cavalerie pour surprendre les miliciens s’ils avaient tenté une sortie.
Le 13 au matin, Desborde et Malbec, habile chirurgien, vont à Potelières, ils comptent les victimes : 5 hommes et 10 femmes massacrées ; 1 vieillard, 2 hommes, 3 enfants, brûlés ; 2 hommes, 3 femmes, mortellement blesés ; cinq autres malheureux, transportés à l’hôpital de Rivières, fondation de la marquise de Portes, guérirent tous les cinq malgré que l’un d’eux eût reçu vingt-deux coups de baïonnette.  ( rapport de Malbec. AG 1708 . 125 Malbec donne la liste nominative et l’âge des morts et des blessés)
Comme l’avaient été ceux de Valsauve, les auteurs du massacre de Potelières furent guidés par des Camisards originaires du voisinage, Boileau de Rochegude dit Beulaigue, Jacques Bruguier de Cals, d’autres de Tharaux et de Saint Victor. L’inspiration permettait aux paysans fanatiques d’assouvir leurs ressentiments, longtemps accumulés, conte les voisins catholiques qui les avaient molestés ou avaient su profiter des Ordonnances en vigueur pour s’enrichir à leurs dépens.

La nuit même du massacre de Potelières et à la même heure, ( c'est-à-dire le 12 septembre 1703) 15 camisards brûlent trois maisons à Cruviers-Montaren, ils exécutent à coup de baïonnettes, haches, dagues, et autres instruments très cruels, Marie Larnac, ses quatre enfants, Catherine Courtin, enceinte de cinq mois, Jean Chapelier, âgé de 80 ans, dont la femme valétudinaire est entièrement consumée dans sa maison. (voir note 1)
Quelques instants plus tard, les Camisards, conduits par Moïse Nicolas, arrivent à la métairie de Maillac (voir note 3) appartenant au chapitre d’Uzès, à quart de lieue de la ville ; le rentier , Pierre Legaud peut échapper ; couché dans une vigne il voit brûler la métairie ; en revenant constater le désastre, il trouve, étendus dans la basse-cour, le cadavre de sa femme, celui de son fils unique, et celui d’un berger. (voir note 2)


Notes :

(Note 1) A.H.C. 267  - Les frères Larnac, le mari de Catherine Courtin, le fils Chapelier échappèrent. N’étaient restés dans la métairie que femmes, vieillards, enfants, et deux valets nouveaux convertis. Les Camisards, après avoir vérifié leur identité, libérèrent ces deux derniers.

Sur la base du même document des archives de l’Hérault, une autre source donne la liste plus précise des victimes :

MONTARENT (12 SEPTEMBRE 1703)

-la femme de Paul LARNAC et ses quatre enfants. Voici les prénoms de trois : -marie, 14 ans ; -Isabeau, 9 ans ; -Firmin, 17 ans.
-Marie LARNAC, âgée de 57 ans.
-Catherine COURTIN, 25 ans enceinte.
-Jean CHAPELIER, âgé de 80 ans.
-la femme de Jean CHAPELIER âgée de 70 ans ;
Ces meurtres furent commis à CRUVIERES, paroisse de MONTARENT.

Il ne peut donc y avoir aucune confusion comme on l’a souvent fait avec Cruviers-Lascours

(Note 2) A.C.H. 254 . 189 

(Note 3) Le mas de Mayac au Nord d’Uzès


Le massacre de Cruviers selon Henri Bosc dans «  La guerre des Cévennes »

 tome 2 – page 11 et 112 – Les Presses du Languedoc Avril 1986 ISBN 2.85998.023.7

Aux mêmes heures du massacre de Potelières, dans la même nuit du 12 au 13 septembre 1703, une troupe de douze camisards se rendit à Cruviers où elle incendia trois maisons. Les rebelles tuèrent Marie Larnac et ses quatre enfants, une autre femme Catherine Courten, qui était enceinte de cinq mois et Jean Chapelier, vieillard de 80 ans dont la femme sera retrouvée complètement carbonisée dans les ruines de sa demeure. Les frères Larnac, le mari de Catherine Courten et le jeune Chapelier sauvèrent leur vis par la fuite. Les deux valets nouveaux convertis que les camisards trouvèrent dans la maison furent épargnès. Les Archives départementales de l’Hérault apportent quelques précisions sur le massacre. 

Voici un texte,  inédit qui retrace les évènements de cette nuit tragique de 1703, à Cruviers :

            «( …) Sur l’heure de 10 heures du soir, estant venus les Camisards au nombre de dix ou douze, venant du costé de Saint Médiers. Ils sont alez trouver cinq hommes couchés à leur bétail. Rossins ( ?) ayant attaché Jean Larnac, fils de Paul, âgé de 12 ans, avec Jacques Bénézet. On avoit aussy ataché deux autres nommés Jacques Galdin et Germain… et Jean Chapelier l’ayant attaché tout seul et ensuite les ayant amenés dans le lieu de Cruviès l’on a trouva une plus grosse quantité de ces malheureux dont ledit Bénézet se détacha et se sauva. Les deux Galdin feürent détachés par les autres comme étant nouveaux catholiques. Il y en avoit une grande quantité dans la maison de Paul Larnac, ayant commencé à rompre les coffres et d’attacher sa femme et quatre enfans : les ayant égorgés : la mère aagée de 50 ans ; de ces filles l’une, apelée Marie aagée de 14 ans, Isabeau aagée de 9 ans, Firmine aagée de 17 ans. Lequel meurtre feüt commis à la porte de la basse cour les ayant fait mourir par divres coups de bayonette et d’ache et autres instruments très cruelz : aynat trouvé Firmine qui respiroit, on la fit emporter au lieu de Montaranc ( Montaren) estant dans un estat dont elle na pas peü en relever. On tua aussy au mesme endroit 2 fammes, l’une nommée Marie Larnac, aagée de 57 ans et l’autre nommée Catherine Courtine ( Courten) sa nièpce aagée de 25 ans laquelle estoit ensceinte et estoit fille de Jacques Courtin et femme de Pierre Pialet tuées de mesme que les autres avec coup de dagues et ont tué aussy à 10 pas de là Jean Chapelier aagé de 80 ans. On a brulé sa famme dans sa maison… aagée de 70 ans. »

Archives de l’Hérault, C 267 « Ravages des Camisards » texte peu lisible sur un document en mauvais état.

Ces actes de violence exécutés en représailles par les rebelles sur les populations civiles marquent bien jusqu’à quel degré  d’exaspération leur soif de vengeance et leur colère étaient parvenus .


Henri Bosc