14 novembre 2016

Le massacre de Cruviers





Eléments sur l'histoire de Cruviers et l'attaque des Camisards de 1703



D’Après le livre de Marcel Pin :
«  Jean Cavalier » 25 novembre 1681 - 17 mai 1740 paru chez Chastanier frères et Améras imprimeurs à Nîmes 12 rue Pradier en 1936 - Reédition de Laffite Reprints Marseille 1980 p 256

Marcel Pin est né à Alès en 1887 dans une famille de bons notables protestants. Il est avocat.

Le contexte :

Au mois d’août 1703 Bâville est préoccupé, il cherche une solution qui termine la révolte sans ruiner les contribuables.
L’Intendant a demandé une Ordonnance Royale permettant d’envoyer aux galères, sur le champ, tous les nouveaux convertis de 15 à 55 ans, trouvés hors de leurs paroisses sans passeport. 
( copie de cette Ordonnance fut envoyée par Chamillard à Montrevel le 10 septembre. Un exemplaire imprimé, daté du 11 septembre, se trouve aux Archives de Toulouse  HL 1792)
Toujours persuadé de la complicité des bourgeois, Bâville a demandé également l’autorisation de leur imposer une contribution de 200.000 livres, cette somme permettra de secourir les anciens catholiques .
( le Roi autorisa cette imposition. Note manuscrite de Chamillard sur la lettre de Montrevel du 16 septembre A.G 1708 111)

Enfin l’Intendant a proposé le « razement » de trente et une paroisses cévenoles, il veut, depuis la Lozère jusqu’à l’Aigoual, dépeupler et ruiner la montagne.
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Il faut transformer le pays en désert et que les rebelles n’y puissent plus trouver abri ni subsistance ; tous les villages en sont pauvres et rapportent de maigres impôts, le Roi n’aura pas trop à souffrir de leur dévastation.
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Montrevel, sans croire qu’il puisse suffire à calmer la révolte, approuve le projet de Bâville .
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La Cour hésite . Le 22 août La Vrillière informa Bâville que le Roi va se déterminer à permettre le dépeuplement. Avec une incompréhension totale de la situation, le secrétaire d’Etat aux affaires de la Religion prétendue Réformée demande à l’intendant de lui adresser un état exact des habitants qui vont être ainsi ruinés.
Le 30 août les puissances se réunissent à Alais et décident les détails du rasement en attendant l’autorisation de commencer.
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Les 13 .000 habitants des 31 paroisses seront rassemblés et conduits fort doucement. A Mèze, Lunel, Lodève, Béziers, casernes ou manufactures sont aménagées et prêtes à les recevoir, la cité de Carcassonne sera une prison commode ; un soin particulier sera pris des malades, des femmes enceintes, à l’hôpital de Montpellier qui est très bon. Les plus gravement atteints iront à Mende «  où ils seront fort bien ». Les maisons elles-mêmes n’auront pas trop à souffrir. On se contentera de démolir les toits et les planchers.
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Le 14 septembre l’autorisation du Roi n’est pas encore arrivée. Montrevel s’impatient. Il fait publier et afficher dans les paroisses condamnées une circulaire préparatoire.
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Enfin le 16, un courrier-exprès apporte l’autorisation attendue…


Les faits :

Ouvrage de Marcel Pin «  Jean Cavalier » ; Chapitre X : Les représailles de Cavalier - 10 septembre - 1er Octobre 1703


Grâce à l’indiscrétion des évêques qui, huit jours avant la réponse du Roi, l’avaient rendu public, les rebelles connaissaient le projet de Bâville . (Montrevel à Chamillard. Nîmes 14 octobre . AG 1708. 178 H I 1823)  Au cours des trois dernières semaines du mois de septembre, Jean Cavalier, pour retenir dans la plaine les troupes du Roi, va, avec une impitoyable activité, exercer de cruelles représailles préventives.
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Dans la nuit du 11 au 12, quinze Camisards, conduisant 8 chevaux, viennent à Cals, hameau de 4 maisons entre Navacelle et La Bégude d’Auzon, ils réquisitionnent 3 salmées d’avoine, des balles de foin, et les emportent à Bouquet où campent Cavalier et sa troupe.
Le 12, comme tombe la nuit, 30 Camisards arrivent à Potelières, domaine de Bérard-Montalet, baron d’Alais . Par bandes de 3 ou 4, ils fouillent les maisons du village, fusillent un catholique qui veut s’échapper, en attachent un second en lui disant que le Saint Esprit commande de le poignarder ; ce dernier est assez agile pour se libérer, sauter par la fenêtre et disparaître dans l’obscurité. Aux maisons de Mas, les Camisards tuent ou blessent 9 personnes. Ils en rassemblent 13 dans l’église ; après les avoir invité à prier Dieu, Beulaigue, le sacrificateur, les frappe à coups de hache et de baïonnette. Avant de reprendre la direction de Bouquet, les Camisards incendient 7 maisons, six habitants y périssent asphyxiés ou brûlés. ( Desbordes à Montrevel. Auzon 13 septembre . AG 1708. 110)
Alertés par le paysan qui avait échappé, Desborde, commandant la petite garnison de Rivières, ne peut que s’attrister en voyant flamber Potelières. Il n’osa pas s’aventurer dans la nuit et fut sage. Les Camisards avaient posté un détachement de cavalerie pour surprendre les miliciens s’ils avaient tenté une sortie.
Le 13 au matin, Desborde et Malbec, habile chirurgien, vont à Potelières, ils comptent les victimes : 5 hommes et 10 femmes massacrées ; 1 vieillard, 2 hommes, 3 enfants, brûlés ; 2 hommes, 3 femmes, mortellement blesés ; cinq autres malheureux, transportés à l’hôpital de Rivières, fondation de la marquise de Portes, guérirent tous les cinq malgré que l’un d’eux eût reçu vingt-deux coups de baïonnette.  ( rapport de Malbec. AG 1708 . 125 Malbec donne la liste nominative et l’âge des morts et des blessés)
Comme l’avaient été ceux de Valsauve, les auteurs du massacre de Potelières furent guidés par des Camisards originaires du voisinage, Boileau de Rochegude dit Beulaigue, Jacques Bruguier de Cals, d’autres de Tharaux et de Saint Victor. L’inspiration permettait aux paysans fanatiques d’assouvir leurs ressentiments, longtemps accumulés, conte les voisins catholiques qui les avaient molestés ou avaient su profiter des Ordonnances en vigueur pour s’enrichir à leurs dépens.

La nuit même du massacre de Potelières et à la même heure, ( c'est-à-dire le 12 septembre 1703) 15 camisards brûlent trois maisons à Cruviers-Montaren, ils exécutent à coup de baïonnettes, haches, dagues, et autres instruments très cruels, Marie Larnac, ses quatre enfants, Catherine Courtin, enceinte de cinq mois, Jean Chapelier, âgé de 80 ans, dont la femme valétudinaire est entièrement consumée dans sa maison. (voir note 1)
Quelques instants plus tard, les Camisards, conduits par Moïse Nicolas, arrivent à la métairie de Maillac (voir note 3) appartenant au chapitre d’Uzès, à quart de lieue de la ville ; le rentier , Pierre Legaud peut échapper ; couché dans une vigne il voit brûler la métairie ; en revenant constater le désastre, il trouve, étendus dans la basse-cour, le cadavre de sa femme, celui de son fils unique, et celui d’un berger. (voir note 2)


Notes :

(Note 1) A.H.C. 267  - Les frères Larnac, le mari de Catherine Courtin, le fils Chapelier échappèrent. N’étaient restés dans la métairie que femmes, vieillards, enfants, et deux valets nouveaux convertis. Les Camisards, après avoir vérifié leur identité, libérèrent ces deux derniers.

Sur la base du même document des archives de l’Hérault, une autre source donne la liste plus précise des victimes :

MONTARENT (12 SEPTEMBRE 1703)

-la femme de Paul LARNAC et ses quatre enfants. Voici les prénoms de trois : -marie, 14 ans ; -Isabeau, 9 ans ; -Firmin, 17 ans.
-Marie LARNAC, âgée de 57 ans.
-Catherine COURTIN, 25 ans enceinte.
-Jean CHAPELIER, âgé de 80 ans.
-la femme de Jean CHAPELIER âgée de 70 ans ;
Ces meurtres furent commis à CRUVIERES, paroisse de MONTARENT.

Il ne peut donc y avoir aucune confusion comme on l’a souvent fait avec Cruviers-Lascours

(Note 2) A.C.H. 254 . 189 

(Note 3) Le mas de Mayac au Nord d’Uzès


Le massacre de Cruviers selon Henri Bosc dans «  La guerre des Cévennes »

 tome 2 – page 11 et 112 – Les Presses du Languedoc Avril 1986 ISBN 2.85998.023.7

Aux mêmes heures du massacre de Potelières, dans la même nuit du 12 au 13 septembre 1703, une troupe de douze camisards se rendit à Cruviers où elle incendia trois maisons. Les rebelles tuèrent Marie Larnac et ses quatre enfants, une autre femme Catherine Courten, qui était enceinte de cinq mois et Jean Chapelier, vieillard de 80 ans dont la femme sera retrouvée complètement carbonisée dans les ruines de sa demeure. Les frères Larnac, le mari de Catherine Courten et le jeune Chapelier sauvèrent leur vis par la fuite. Les deux valets nouveaux convertis que les camisards trouvèrent dans la maison furent épargnès. Les Archives départementales de l’Hérault apportent quelques précisions sur le massacre. 

Voici un texte,  inédit qui retrace les évènements de cette nuit tragique de 1703, à Cruviers :

            «( …) Sur l’heure de 10 heures du soir, estant venus les Camisards au nombre de dix ou douze, venant du costé de Saint Médiers. Ils sont alez trouver cinq hommes couchés à leur bétail. Rossins ( ?) ayant attaché Jean Larnac, fils de Paul, âgé de 12 ans, avec Jacques Bénézet. On avoit aussy ataché deux autres nommés Jacques Galdin et Germain… et Jean Chapelier l’ayant attaché tout seul et ensuite les ayant amenés dans le lieu de Cruviès l’on a trouva une plus grosse quantité de ces malheureux dont ledit Bénézet se détacha et se sauva. Les deux Galdin feürent détachés par les autres comme étant nouveaux catholiques. Il y en avoit une grande quantité dans la maison de Paul Larnac, ayant commencé à rompre les coffres et d’attacher sa femme et quatre enfans : les ayant égorgés : la mère aagée de 50 ans ; de ces filles l’une, apelée Marie aagée de 14 ans, Isabeau aagée de 9 ans, Firmine aagée de 17 ans. Lequel meurtre feüt commis à la porte de la basse cour les ayant fait mourir par divres coups de bayonette et d’ache et autres instruments très cruelz : aynat trouvé Firmine qui respiroit, on la fit emporter au lieu de Montaranc ( Montaren) estant dans un estat dont elle na pas peü en relever. On tua aussy au mesme endroit 2 fammes, l’une nommée Marie Larnac, aagée de 57 ans et l’autre nommée Catherine Courtine ( Courten) sa nièpce aagée de 25 ans laquelle estoit ensceinte et estoit fille de Jacques Courtin et femme de Pierre Pialet tuées de mesme que les autres avec coup de dagues et ont tué aussy à 10 pas de là Jean Chapelier aagé de 80 ans. On a brulé sa famme dans sa maison… aagée de 70 ans. »

Archives de l’Hérault, C 267 « Ravages des Camisards » texte peu lisible sur un document en mauvais état.

Ces actes de violence exécutés en représailles par les rebelles sur les populations civiles marquent bien jusqu’à quel degré  d’exaspération leur soif de vengeance et leur colère étaient parvenus .


Henri Bosc

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